lâcher prise dessin illustration

Du lâcher prise

Le vertige de la page blanche.
J’en avais entendu parlé. Mais je n’avais jamais eu l’occasion de le mesurer, en direct.
Tu es prête : ton cerveau est allumé, tes marqueurs sont testés et triés. T’as bûché ton sujet, la boite pour qui tu bosses, t’as essayer de comprendre les liens qui unissent ou désunissent tes clients.

  • Ta fresque est bien tendue. Elle est belle et blanche. Ton titre pète.
  • T’as repéré qui était qui, et qui pourrait éventuellement t’aider en cas de questions.
  • Tu as fait pipi 5 fois, médité dans les toilettes.
  • Ton wifi est connecté.

Le brouhaha se calme. Quelqu’un prend la parole.
Ses idées s’installent dans le silence. Comme des petites gouttes de lumières qui s’allument et se suivent dans un ordre nébuleux.
Bien.
Tu as saisi ton marqueur. Choisi ta couleur de départ. La forme qu’aura ton texte, tes formes et tes personnages. Tu écoutes. Enfin tu essaies d’écouter…
Tu choppes une idée, tu la suis : “Je comprends rien”.
Une autre : “elle ne va avec rien”.
Tu batailles entre les deux pendant bien 1 minute alors que d’autres idées continuent de naître. Tu commences à paniquer… Doucement hein. Mais, c’est long 1mn quand tu es sur scène et que le mec débite 10 idées à la seconde.
Donc, tu paniques.
“Et merde – je comprends rien – je suis nulle – j’ai pas d’idées – ça se voit – qu’est ce que je fous là – j’aime plus ce taf – j’ai mal au ventre – Je le savais bien que j’étais malade – Je vais leur dire que je suis malade…”
En suspension dans cet état horrible d’indécision, tu bloques, bloques et re-bloques.
Rule number one! Il faut choisir!
Car c’est en ne choisissant pas, coincé et hésitant, que rien ne se créée. Prends un temps de pose, souffle. Redeviens l’arbre (rigolez…)
Écoutes les 2 ou trois messages qui s’entrelacent – les uns après les autres. Ne cherche pas de résultat. Prends le temps de reconnaître une des trames. Ne juge pas. Chope le début d’un fil. Et agrippes-toi.
La porte d’entrée est l’intention. C’est en choisissant un fil parmi les nombreux fils, que tu crées le corridor. Et si tu arrives à y porter toute ton attention : tu assistes alors à la création d’un monde. C’est comme choisir un angle. Il y a autant d’angle qu’il y a de sujets. Choisis.
Bon, ça c’est la porte d’entrée, bien ordonnée.
Il y en a une plus trash qui m’a mainte fois sauvé la mise. Le : je m’en foutisme!
Quand rien ne fonctionne et que l’état d’indécision s’installe un peu trop longtemps, ami scribe, n’aie pas peur de laisser s’infiltrer ton “je m’en foutisme”! Dans ma tête à moi, ça se traduit par : “Vas-y, ça me saoule, tant pis, je leur fait une daube…!”.
Comme pour un saut à l’élastique – quoi vous avez jamais essayé?! 😉 tu décides que tu n’as plus le choix : tu fais taire ton mental, tu te lances et… tant pis où tu tombes!
N’importe quelle idée. Allez!  

  • Flute, celle ci est creuse…
  • Ho tiens, celle-ci est super cool…
  • Dis donc, c’est pas con ce qu’il dit…
  • Attendons la suite pour créer l’ensemble. 

A ce moment là, il faut quantifier la place qu’il te reste dans ta mémoire. Pas facile.
Et d’arrache en arrache, tu ne t’attardes plus à la forme, ni à la voix.. Tu sens distinctement les mots, les liens, les drames, les pics, les lassitudes, les colères, les hésitations, les respiration. T’es en plein voyage.
Tu kiffes tellement que bientôt tu te permets un pas de côté et pour regarder ta fresque de loin.
Tu regardes le speaker…
Tu regardes les gens..
Direct et sans réfléchir cette fois, tu enrichis ta fresque d’un trait qui relie l’ensemble. Tu surfe dans le cerveau du speaker et celui de l’auditoire en même temps. Pour peu, que le speaker comprenne ce que tu fais, et s’en serve, alors là c’est Byzance. Un pas de deux, en rappel, une danse, à 10, à 100!
Mais ça serait oublier les fois ou tu ne comprends pas les accents, les jours ou tu n’entends quasi rien, les jours ou c’est creux, ou encore trop technique. Alors tu apprends à broder. A rester dans la vérité, mais en décalé.
Tout le temps, tu te donnes à fond. Que se soit dans l’action ou dans l’hésitation. Entre les sessions, tu sympathises, tu aides, tu questionnes, tu réconfortes, tu ris, tu te mixes. Tu t’isoles aussi quand tu n’en peux plus. On te laisse faire, parfois.
Et puis certains jours, ça ne le fait pas. Tu rames, tu te sens bosser, tu sors tes outils, ta boite à malices. Tu sais que tu ne te planteras pas, que le job sera fait et que tout le monde sera content. Sauf, que tu sais aussi que tu n’y a pas mis cette petite flamme, car rien n’a été vraiment dit, vu, senti et compris.
C’est dur d’essayer de changer.