Tomber amoureuse de mon métier
Quand tout s’aligne professionellement, c’est complètement jouissif. Je suis tombée amoureuse de la facilitation graphique. Tu vois ce genre de coup de foudre évident, intense, sincère et addictif ? C’était exactement ça. Le flow, les sujets, les rencontres, les contrats incroyables, les lieux de travail prestigieux, les nuits dans des hôtels luxueux, les opportunités quasi infinies que j’entrevoyais.
Le vertige des opportunités
Un jour, je dessinais pour une grande enseigne de distribution, le lendemain pour une banque nationale. Puis pour une association de journalistes, une école, le système ferroviaire français, ou encore Microsoft. Un jour pour l’Unesco, où travaillait ma mère – ce qui me semblait complètement fou – et le lendemain pour une session sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Un jour sur l’environnement, le lendemain sur l’égalité professionnelle. Un jour à Paris, le suivant en Espagne.
Sur ma route, je rencontrais des esprits passionnés issus de tous les domaines de l’économie. Je mangeais des petits fours entre deux conférences, et je rentrais en taxi, en train ou en avion, épuisée mais euphorique, un peu groggy, comme après une nuit d’amour. C’était grisant.
La face cachée du succès
Au début, j’ai reçu beaucoup d’applaudissements. Nous étions peu, et les entreprises découvraient encore cet outil. J’aidais réellement les gens, et ils me remerciaient pour ça. Pour moi, c’était immense. Mais plus je m’enfonçais dans le système corporate, plus je voyais que je perdais des petits morceaux de moi.
Une entreprise, c’est comme une armée : un style, un objectif, des généraux et des soldats. Des unités multiples, des niveaux hiérarchiques entremêlés, qui fonctionnent ensemble comme un poulpe. Parfois, une idée brillante finit par se diluer sous la pression. Parfois, une idée faible devient un étendard, simplement parce qu’il faut tenir.
Une machine à dessiner
Je croyais pouvoir résister à ceux qui ne voyaient que le côté brillant du scribing. Je voulais sincèrement servir les idées, les intentions et les émotions, qu’elles viennent du dirigeant ou de l’employé. Mais j’ai oublié un facteur essentiel : la surchauffe.
Le travail m’a engloutie. Et sans m’en rendre compte, je suis devenue une machine à dessiner. Parlez de n’importe quoi, aussi vite que vous voulez, je le mettrai en images, et je vous ferai même rire. Impressionnant, non ? Oui, mais épuisant.
Burn-out créatif
Sous la pression constante, j’ai fini par oublier les gens, et même pourquoi j’étais là. Mon corps s’est mis à crier. J’étais à bout. L’ennui a fini par s’installer. J’avais été avalée par la machine.
Redonner du sens au travail
« Reviens aux gens, Alexia.» Mon rôle, c’est de révéler ce qui se cache derrière les masques et les automatismes. C’est exactement ce que fait le scribing : d’une manière douce mais précise, il révèle l’intelligence, grâce à l’émotion, à l’humour et à l’art. Il met en lumière les vraies idées cachées derrière les peurs. Les espoirs et les rêves derrière les « non» et les chiffres.
C’est comme un retour nécessaire à l’âme. Une transparence essentielle, qui aide les gens à comprendre où ils en sont, à se réaligner, à avancer, à inventer et à décider.
Conseils aux nouveaux scribes
Si je peux te donner un conseil, toi jeune scribe qui entres dans ce monde merveilleux de la facilitation graphique : ne deviens pas trop exclusif. Reste un peu en dehors du grand système. Continue à nourrir ton artiste, ton voyageur, ton rêveur intérieur. C’est ce qui te permettra de rester clair, humble et capable de voir ce qui est dit, ou tu.
Parce qu’au fond, derrière nos égos, nos titres, nos agendas et nos vies survoltées, nous restons simplement des humains.
